Curiosité, imagination et agilité mentale : les clés du succès

En réseau, vos qualités humaines et managériales seront appréciées tout autant que dans l’entreprise. À la condition, bien sûr, de ne pas induire de liens hiérarchiques à proscrire entre membres. Dans son dernier ouvrage, Robert Papin, place la curiosité, l’imagination et l’agilité mentale comme le trio pour la réussite et le progrès collectif.

Extrait de Le nouveau Manager, gérer le changement, de Robert Papin, éditions Diateino – Septembre 2012.

La curiosité

Les exemples abondent d’entrepreneurs dont la curiosité a fait la fortune de leur société. Les chefs d’entreprise qui ont le nez collé sur leur métier se coupent de leur environnement, leur « banque » d’informations devient trop réduite pour leur permettre d’avoir des idées meilleures que celles de leurs concurrents. Nous avons tous tendance à nous enfermer dans nos habitudes ; ce repli s’accompagne d’un affaiblissement de notre capacité à entendre, sentir ; c’est pourquoi, faute de n’avoir su les détecter, nous laissons passer des opportunités.

Einstein se plaisait à dire : « Je n’ai pas d’aptitudes spéciales, je suis simplement curieux de tout ». Il ajoutait que sa théorie de la relativité était née le jour où, voyageant en train, il avait eu le sentiment qu’il reculait alors que sa rame était simplement dépassée par un train plus rapide que le sien.

Comment lutter contre cet engourdissement qui nous coupe de notre environnement ? « Comment retrouver » comme le disait Picasso, « les émotions que peuvent nous procurer aussi bien le ciel et la terre qu’un bout de papier, une forme éphémère, une toile d’araignée… ? » Comment se placer en état de réceptivité pour laisser venir à nous les sensations sans les analyser ? Comment développer notre capacité à nous informer ? Là encore il n’existe pas de recette miracle. Certains patrons ont augmenté leur réceptivité en utilisant des techniques comme la relaxation ou le yoga, en pratiquant un sport d’équipe ou en s’isolant régulièrement à la campagne.

Pour améliorer notre capacité à nous informer, nous savons qu’il convient d’abord d’améliorer notre capacité à écouter nos interlocuteurs en évitant de porter un jugement de valeur sur les informations qu’ils nous apportent, sinon nous éliminerons ce que nous n’avons pas envie d’entendre. Nos interlocuteurs s’en rendront compte et ils n’auront plus envie de nous informer.

Si nous avons fait l’effort d’apprendre à écouter, nous apprendrons aussi à éviter les questions fermées qui n’appellent comme réponse qu’un « oui » ou un « non ». Au lieu de demander à un client « Mon produit est-il un produit d’avenir ? », et de recevoir un « oui » qui nous fera plaisir ou un « non » qui nous déplaira, pourquoi ne pas poser la question ouverte « Quelles sont les caractéristiques de mon produit qui pourraient compromettre sa réussite future ? ». Plutôt que de demander à un enfant « Aimes-tu ton école ? », pourquoi ne pas lui demander « Quels sont les aspects de ton école que tu aimes et ceux que tu n’aimes pas ? ». Si nous avons pris l’habitude de poser des questions fermées, la formulation de questions ouvertes nous demandera beaucoup d’efforts mais si nous persévérons, nous ferons un grand pas dans l’art de développer notre réceptivité, notre capacité à nous informer.

Si nous ne le faisons pas déjà, nous exploiterons notre réceptivité en visitant des salons ou des foires-expositions consacrées à notre secteur d’activité, aussi bien en France qu’à l’étranger. Cela nous permettra de discuter avec des clients, des fournisseurs, des concurrents, de détecter les produits pouvant se substituer à nos propres produits, de « sentir » les changements qui se produisent actuellement dans notre environnement. Nous pourrons aussi visiter les salons consacrés à des secteurs porteurs d’avenir, comme ceux indiqués par le ministère de l’Industrie.

Les sources d’informations à notre disposition sont innombrables, notamment les revues et les bases de données sur Internet. Nous ne pouvons tout embrasser sans prendre le risque de nous noyer. Mieux vaut donc consulter les études réalisées régulièrement sur l’évolution des besoins et des comportements des consommateurs et sur les technologies du futur, rester attentif aux grands événements de notre société et rencontrer si possible ses acteurs pour nous faire notre propre opinion sur ces évènements.

L’imagination

Weston Agor est le fondateur de Global Intuition Network et l’auteur de Intuition in Organizations. Dans cet ouvrage, il écrit qu’il voit l’intuition « comme une qualité dont l’importance ira en croissant dans l’environnement que nous devons affronter. C’est à l’évidence une aptitude que nous avons besoin de cultiver pour en faire usage dans le monde présent et dans le monde futur si nous voulons survivre et nous développer ».

Les cartésiens qui ne croient que ce qu’ils peuvent analyser, mesurer, comparer, rejettent l’idée que les informations que nous accumulons sont brassées par le cerveau à un niveau immédiatement inférieur au niveau de conscience et que c’est de cette zone encore peu explorée que jaillissent les idées. Pourtant, Roy Rowan, auteur de The Intuitive Manager, affirme que nos idées ne sont pas la résultante d’une pensée rationnelle et consciente mais le fruit d’une intelligence qui condenserait des années d’apprentissage, organiserait des connexions entre nos observations pour en faire surgir des intuitions. Il écrit que les plus belles découvertes n’ont pas été le fruit d’une réflexion forcenée mais « d’une perception soudaine et intuitive, d’une prescience profonde et inexplicable, de chuchotements internes et fugaces ».
De son côté, le Canadien Henry Mintzberg assène :
« Écarter l’intuition en disant qu’il s’agit d’un processus irrationnel est une attitude elle-même irrationnelle. »

Quel que soit le point de vue des auteurs, tous les spécialistes du cerveau savent qu’il est possible de développer notre potentiel créatif en luttant contre les ennemis de notre imagination, en utilisant des techniques individuelles ou collectives de créativité, ou tout simplement en exploitant la créativité de ceux qui nous entourent.

La crainte du ridicule est probablement le principal ennemi de notre créativité. Si je vous suggérais de vider la moitié de la cartouche d’encre de votre stylo sur une feuille de papier, de la plier en quatre et de décrire le tableau que vous venez de réaliser, vous me diriez peut-être que cet exercice est idiot, et pourtant c’était l’un des exercices préférés de Victor Hugo.

Nous devons lutter contre cette crainte du ridicule qui nous conduit à écarter toute idée nouvelle qui traverse notre esprit de peur de passer pour un original. Dans dix ans, des entreprises seront leaders dans leur secteur alors qu’aujourd’hui personne ne croit au produit ou service qu’un individu prétendument farfelu vient de mettre sur le marché. Chacune de nos nouvelles idées présente un intérêt, nous devons résister à la facilité qui voudrait nous les faire mettre de côté. De même, lorsqu’une idée fugace s’évanouit et que nous éprouvons un sentiment de frustration car nous avions le sentiment qu’elle était peut-être intéressante, essayons de la retrouver en remontant le fil de nos pensées. Lorsqu’une idée jaillit, il faut la saisir, démêler les vraies idées des faux obstacles. Concentrons-nous sur ce qui nous paraît bizarre, nouveau, original.

Luttons également contre ce manque de persévérance qui nous fait prétexter, pour justifier un défaut de créativité, que « c’est techniquement impossible », que « c’est prématuré », que « les autres l’ont déjà fait », qu’« on n’a jamais fait comme ça », ou encore qu’« il serait bon d’abord de réaliser une étude de marché ». Car, selon Bernard Shaw : « L’homme raisonnable s’adapte au monde. L’homme déraisonnable essaye d’adapter le monde à lui-même. Par conséquent, tout progrès dépend de l’homme qui n’est pas raisonnable. » Si nous désirons augmenter notre créativité, nous pourrions utiliser les méthodes de relaxation déjà évoquées pour développer la réceptivité. Peut-être pourrions-nous aussi, pour favoriser notre imagination, utiliser quelques-unes des techniques individuelles ou collectives susceptibles d’alimenter cette créativité. Beaucoup s’appuient sur la matrice de Môles, qui est un tableau à double entrée permettant de combiner plusieurs types de variables. Elle peut se présenter sous la forme d’une matrice carrée qui donne la possibilité de confronter deux séries de variables identiques placées horizontalement et verticalement. C’est une matrice de ce type que les créatifs de Renault avaient utilisé pour trouver le nom de la Twingo en croisant des noms de danses. Ils avaient retenu les trois premières lettres des danses de la première colonne et les trois dernières des mêmes danses de la première ligne.

Valse Twist Tango Polka
Valse
Twist Twingo
Tango
Polka

La matrice peut servir aussi à confronter horizontalement des variables différentes de celles placées verticalement, par exemple des objets et des adjectifs, des besoins et des technologies.

Besoins Formation Information Loisirs Santé Transport
Biotechnologies 1 1 3 1 2
Télécommunications 1 1 1 2 1
Internet 1 1 1 3 1
Énergie 1 1 3 3 1

. idées déjà exploitées ; 2. idées utopiques ; 3. idées à creuser

L’imagination (suite)

La technique du catalogue est une variante des méthodes combinatoires. Elle consiste à prendre le catalogue d’une maison de vente par correspondance, d’un fournisseur, d’un concurrent, un annuaire téléphonique ou un dictionnaire pour tenter de relier deux objets ou deux mots pris au hasard afin de faire surgir des opportunités de produits ou de services.

Le brainstorming est une technique collective de créativité qui consiste à réunir, sous le contrôle d’un modérateur, six à douze personnes de niveaux hiérarchiques et de statuts comparables mais, si possible, de formations différentes. Partant de l’idée que c’est du choc des idées que jaillit la lumière, ces personnes doivent, pendant 30 à 90 minutes, laisser libre cours à leur imagination en s’interdisant de juger les idées émises par les autres participants et en s’efforçant au contraire de les reprendre pour les développer, les enrichir ou les combiner. L’accent est mis sur la quantité d’idées émises, sur l’originalité, la nouveauté et non sur la rationalité ou la logique.

Si le groupe s’intéresse par exemple à un marteau, son meneur de jeu peut favoriser le lancement ou la progression de la discussion en suggérant aux membres du groupe de regarder attentivement cet objet, de réfléchir aux fonctions qu’il doit remplir puis de tenter de l’améliorer en s’inspirant éventuellement d’un questionnaire du type suivant :

Pourrais-je modifier la forme de ce marteau ? Ses dimensions ? Son poids ? Sa couleur ? Les matériaux utilisés ?
Pourrais-je simplifier ? Éliminer ? Améliorer le procédé de fabrication ? L’employer pour d’autres usages ? Etc.

Deux ou trois jours avant la réunion, l’animateur pourra transmettre aux participants un exposé du thème à traiter afin que chacun puisse commencer à y réfléchir. Il évitera d’aborder en brainstorming des problèmes trop complexes ou trop généraux. En début de séance, il rappellera que personne ne doit critiquer les idées d’autrui mais qu’on peut les reprendre pour les développer, les enrichir, les combiner. Enfin, à l’issue de la réunion, il invitera les participants à garder le problème en tête et à transmettre le lendemain par écrit les nouvelles idées qui pourraient avoir jailli dans l’intervalle.

Ne demandons cependant pas trop au brainstorming, car il n’a qu’un but : faire jaillir le maximum d’idées et non analyser leur viabilité. Cette dernière tâche incombe généralement à d’autres personnes, rassemblées à l’occasion de réunions différentes.

Notons que tous les exercices de créativité exploitent trois grands principes déjà enseignés dans la Grèce antique.

  • La contiguïté (l’eau fait penser à la source et l’arc au gibier).
  • La similitude (l’eau fait penser au vin, l’arc à la lance).
  • Le contraste (le vin doux fait penser au vin sec, le lièvre à la tortue).
  • En matière de créativité, nos contemporains n’ont donc rien inventé !

Certains dirigeants ou futurs dirigeants, qui ne sont pas des créatifs, compenseront largement ce défaut en s’efforçant de mieux écouter ceux qui ont des idées. Ils savent que les chefs d’entreprise créatifs constituent de véritables mines d’idées nouvelles, et qu’ils n’ont pas forcément l’intention de les exploiter parce qu’elles ne concernent pas leur secteur d’activité ou qu’ils n’ont pas pris la peine d’analyser leur potentiel. Écouter ces chefs d’entreprise créatifs peut s’avérer très profitable, c’est pourquoi les dirigeants qui sont à l’affût de nouvelles idées pour se diversifier s’efforceront de débusquer ces patrons créatifs au sein de leurs clubs, syndicats professionnels ou au cours de manifestations organisées par les chambres de commerce, des métiers…

La meilleure source d’idées reste cependant les collaborateurs eux-mêmes car ils sont au contact des clients, des distributeurs, des fournisseurs, des concurrents. Encouragez leur créativité en évitant à tout prix de critiquer leurs idées, même si elles vous semblent farfelues. Malheureusement, dans les PME et surtout dans les grandes sociétés, la créativité n’est pas toujours une qualité encouragée par l’encadrement, c’est pourquoi il peut être souhaitable d’embaucher des collaborateurs créatifs. François Dalle, l’un des fondateurs de l’Oréal, m’avait confié un jour à ce propos qu’« attirer dans son entreprise des individus féconds n’est pas une tâche facile car ces gens féconds sont souvent difficiles à gérer ». Il avait ajouté : « Si vous voulez les garder, vous devrez accepter qu’ils vous bousculent. C’est pourquoi la grande tentation, quand on est dirigeant, c’est de s’entourer d’individus dociles. » Cela est vrai, mais il est vrai aussi que c’est en favorisant la créativité de ses collaborateurs qu’un patron favorisera la diffusion du changement dans son entreprise.

Avoir des idées ne suffit cependant pas, encore faut-il les transformer en projets concrets, et cela n’est possible que si le dirigeant et ses collaborateurs entretiennent leur agilité mentale.

L’agilité mentale

La plupart des individus doués de cette capacité d’inventer sont des contemplatifs qui se contentent d’avoir des idées. Capacité d’analyse et sens critique s’émoussent très vite chez ces créatifs, qui arrivent même à se convaincre que l’intuition est incompatible avec une réflexion systématique.

Une idée géniale qui ne débouche pas sur un produit ou un service créé par l’entreprise n’a rien de génial. L’engourdissement mental constitue le principal obstacle à l’exploitation des idées. Pour passer de l’idée au produit mis sur le marché il faut tester le potentiel de ce produit, ce qui exige un effort de réflexion et donc une certaine agilité mentale, qu’il est possible de maintenir ou régénérer à n’importe quel âge en se posant sans cesse des questions, y compris sur des objets de notre quotidien ou sur des personnes que nous côtoyons.

Par exemple :

  • Combien me coûte cet objet ? À quel besoin répond-il ?
  • Si j’étais à la place de ce chauffeur de taxi comment procéderais-je pour augmenter mes recettes ?
  • Cette profession est-elle une profession d’avenir ? Pourquoi ?

Nous pouvons développer notre agilité mentale à n’importe quel âge. C’est le premier pas qui coûte mais ce premier pas, un dirigeant âgé peut le franchir en mettant en pratique quelques-unes des recettes suivantes :

Prendre tout le temps nécessaire pour poser les problèmes qui nous intéressent, car un problème bien posé est un problème à moitié résolu.
Le poser par écrit pour mieux lancer la réflexion.

Ne pas lire un dossier sans noter au fur et à mesure, sur des fiches cartonnées, les idées que nous inspire le document. C’est là un bon moyen pour prendre à bras-le-corps ces idées et pour nous protéger contre la léthargie intellectuelle.

Durant les réunions, lancer ces quelques remarques qui permettront de mieux progresser :

– « Nous discutons depuis 10 minutes, pourrions-nous maintenant dresser
un premier bilan de nos réflexions ? »
– « Que voulez-vous dire par… ? »
– « Aurions-nous les ressources nécessaires pour mettre en œuvre cette
idée ? »
Et, pour encourager les autres à partager leur créativité et à faire part de leurs idées :
– « Bravo pour cette excellente idée ! »

Les créatifs qui sont tombés amoureux de leurs idées se moqueront probablement de nos recettes. Laissons-les se gausser de nous. La plupart des contemplatifs souffrent, en réalité, de ne pouvoir tirer profit de leur créativité, et ils souffriront encore plus lorsqu’ils réaliseront que ces recettes vous ont permis d’exploiter leurs idées !

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