7 secrets pour réenchanter votre relationnel

« L’histoire me sera indulgente. D’ailleurs, j’ai l’intention de l’écrire moi-même ». Sans être Winston Churchill, vous pouvez vous aussi valoriser vos prises de parole grâce au storytelling.

Extraits Storytelling, réenchantez votre communication de Sébastien Durand, aux éditions Dunod.

Le storytelling d’entreprise tient en 7 principes. On retrouve les 5 premiers dans toutes les histoires passionnantes, dans les domaines de l’art, du divertissement ou même de la religion. Ils sont utilisés aussi bien dans la littérature et les jeux vidéos que sur les vitraux des cathédrales. Ce sont :

  • la quête ;
  • le protagoniste ;
  • l’antagoniste ;
  • la crise ;
  • la résolution de cette crise.

À ces cinq principes, le storytelling d’entreprise en ajoute deux autres qui lui sont spécifiques et dont dépend sa réussite. En effet, nombreuses sont les pubs à avoir une structure narrative : presque toujours, elles racontent une historiette. Mais cela ne devient du storytelling que si ces deux éléments y figurent :

  • le retour à la raison ;
  • la continuation de l’histoire.

Secret n° 1 – La quête

« Brûle encore bien qu’ayant tout brûlé / Brûle encore même trop même mal / Pour atteindre à t’en écarteler / Pour atteindre l’inaccessible étoile1. »

« Les plus beaux paradis ne sont-ils pas les paradis perdus ?2» : telle est la question que pose James Hilton dans son roman Horizon Perdu. C’est qu’on ne quitte pas impunément Shangri-La, cette cité fantastique cachée au fin fond de l’Himalaya où le temps ne s’écoule pas. Une fois qu’on en est parti, on ne peut plus y revenir, le chemin qui y mène s’efface à jamais. Mais sa recherche suffit à nourrir toute une existence, à lui donner un but.

C’est cette quête – retrouver le paradis perdu – qui est aussi la demande de sens qui fonde la plupart des histoires. Il faut y avoir goûté au préalable pour en avoir le regret. L’avantage d’un tel schéma actanciel est qu’il construit un storytelling mobilisateur : on n’a pas peur de l’inconnu puisqu’il s’agit de ramener les choses à un état antérieur qu’on a connu, un prétendu âge d’or. Attention, il faut évidemment veiller à ne pas verser dans la moisistalgie !

Toutes les entreprises n’ont pas intérêt à choisir ce modèle de quête. Celles de type mardi ne cherchent pas à retourner au paradis, elles voudraient déjà simplement y parvenir ! C’est aussi le cas des start-ups dont l’ambition est forcément projective : on se « projette » dans un projet de conquête. Quant aux entreprises de type jeudi, elles y sont déjà. Leur quête est donc le plus souvent défensive : il s’agit de ne pas en être chassé…

C’est donc la typologie narrative choisie qui va décider du schéma actanciel à mettre en place et, en premier lieu, du modèle de quête. À ce stade, « Être la marque qui rassure le plus mes consommateurs » (typologie de type mercredi), « Devenir le numéro 1 de mon secteur » (mardi) ou « Donner les clés de la connaissance pour faire de mes lecteurs des citoyens mieux informés » (dimanche) ressemblent encore à ces rubriques « notre mission » dont nombre d’entreprises sont friandes sur leur site web. Celles aussi qu’elles affichent sur les murs de leurs salles de repos sans que les collaborateurs ne les lisent jamais !

Car il manque un certain nombre d’éléments essentiels pour passer de la typologie narrative au storytelling à proprement parler. Une quête n’est rien encore tant qu’elle n’a pas son champion ou que personne ne se met en travers de son chemin…

En attendant, en 2000, la ville de Zhongdian, dans le Yunnan chinois (aux portes du Tibet) a changé de nom pour celui de Shangri-La, arguant de sa proximité avec le royaume perdu3 ! Peu importe que ce dernier n’ait jamais existé ailleurs que dans la littérature et au cinéma. Désormais, les touristes occidentaux s’y pressent, désireux de reprendre la quête là où les héros de James Hilton l’avaient laissée…

À partir de votre typologie narrative, établissez votre quête. A-t-elle déjà été formulée au sein de votre entreprise (par exemple en tant que « mission ») ? Pouvez-vous en imaginer d’autres possibles ?

1. Chanson de « La Quête » in Dale Wassermann, Joe Darion & Mitch Leigh, L’homme de la Mancha, Barclay, 1968. Paroles françaises de Jacques Brel.
2. James Hilton, Horizon perdu, Terre de Brume, 2006. Frank Capra en a tiré un film magnifique en 1937 (réédité chez Sony Pictures, 2006).
3. Cf. le site de l’office de tourisme du Yunnan : http://bit.ly/jqirLt.

Secret n° 2 – Le protagoniste

« Prenez un personnage auquel le lecteur puisse s’identifier, ni franchement mauvais ni trop parfait et faites-lui vivre des aventures qui l’amènent à passer du bonheur au malheur ou vice versa à travers maintes péripéties1 ».

Il est très rare qu’une histoire sans protagoniste nous touche : la présence d’un héros est un facteur très fort d’identification. Il permet au narrataire d’imaginer sa place dans l’histoire. Mais attention, ce héros fonctionne d’autant mieux qu’il est « transparent ». Un caractère trop fort empêche l’identification. Quand on interroge les spectateurs sur leur personnage préféré dans Blanche-Neige et les Sept Nains, ils citent Simplet ou Grincheux, rarement Blanche-Neige elle-même. Mais c’est pourtant à elle qu’ils s’identifient. Pour éviter une « incarnation » trop précise, qui fige, on a parfois recours à une voix off. Plus facile de s’identifier à quelqu’un qui n’a ni nom ni visage…

Attention cependant à ne pas pousser cette transparence trop loin : à Disneyland en Californie, ouvert en 1955, dans l’attraction qui porte son nom, Blanche-Neige n’était pas présente puisque les visiteurs étaient censés « être » elle, voir par ses yeux. Mais devant l’incompréhension du public et les plaintes des enfants (« Elle est où, Blanche-Neige ? »), pour la version de Disneyland Paris en 1992, le personnage a été réintégré dans toutes les scènes !

Dans le storytelling d’entreprise, le héros est le plus souvent la marque ou son produit. Mais ce peut être aussi son fondateur. Les entreprises de type jeudi n’aiment pas parler d’autre chose que d’elles et ce schéma leur convient parfaitement. C’est le cas du luxe où le client est poliment prié de n’être qu’un admirateur, admis de loin à vénérer l’objet présenté. En revanche, les entreprises de type mercredi peuvent avoir intérêt à faire de leurs clients les protagonistes de leur storytelling pour jouer la complicité, la proximité. C’est une tendance de plus en plus répandue avec le développement du web 2.0.

On peut même prendre pour héros un anti-héros, comme Rodolphe, le « geek » qui a fait les beaux jours de la communication de Free. C’est souvent le cas avec les entreprises de type samedi, qui ont fait de l’irrévérence leur fond de commerce. Toutes les histoires n’ont pas besoin d’être consensuelles.

Toutes les configurations apparaissent donc possibles. Ce qui conditionne le type de héros choisi c’est bien sûr sa quête…

Qui sera le héros de votre histoire ? Qui peut le mieux « l’incarner » : l’entreprise, le fondateur, le consommateur ? Avant de trancher, essayez d’envisager différentes possibilités.

Secret n° 3 – L’antagoniste

« Mon personnage préféré ? Mais la sorcière, bien sûr ! Meilleur est le méchant, plus réussi est le film » : c’est par un de ses plus célèbres aphorismes qu’Alfred Hitchcock a répondu à cette question. Le maître anglais du suspense venait en effet d’assister à la première de Blanche-Neige et les Sept Nains2 de Walt Disney, en 1937.

Le méchant peut être personnifié – c’est le concurrent à dépasser ou celui qui vous menace, un lobby bruxellois qui vous met des bâtons dans les roues, etc. – ou pas : la crise, la mondialisation… Désigner un méchant est souvent pratique quand on crée un storytelling destiné à mobiliser les salariés. Il faut néanmoins faire attention à ne pas céder à l’aveuglement et à la paranoïa, à la façon dont la direction de Renault a pu se retrouver au coeur d’un incroyable scandale de faux espions en 2011. À force de désigner des ennemis partout, on finit par les voir… Il ne faut pas prendre au premier degré l’affirmation du patron d’Intel, Andy Grove, qui a intitulé ses mémoires : Seuls les paranoïaques survivent3.

Dans un schéma actanciel classique, l’antagoniste est presque toujours le miroir du protagoniste, une sorte de reflet aussi sombre que le héros est lumineux. Il y a là matière à réflexion bien entendu, comme si l’un ne pouvait se concevoir sans l’autre : « Même dans les vieilles histoires, la différence entre une fée et une sorcière n’est que d’âge et de grâce » a écrit Umberto Eco mettant en lumière cette complémentarité4. Mais dans un storytelling d’entreprise, la présence du « méchant » n’est pas obligatoire même si c’est un facilitateur appréciable. En effet, le « gentil » se révèle mieux dans l’adversité et rien ne serait plus ennuyeux qu’une quête sans obstacle. En tant qu’entreprise, Apple s’est toujours construit « contre », changeant d’adversaire au fur et à mesure que ces derniers étaient plus ou moins vaincus : IBM à ses débuts, Microsoft hier, Google aujourd’hui. À défaut d’un véritable antagoniste, au moins faut-il que les péripéties rencontrées par le protagoniste forment un enjeu suffisant pour susciter l’intérêt des narrataires.

La quête de votre héros nécessite-t-elle un antagoniste ? Si oui, qui est-il (ou qui sont-ils si vous en avez plusieurs) ? Comment s’oppose-t-il à la réalisation de votre quête ?

1. Umberto Eco, De Superman au surhomme, Livre de Poche, 1995.
2. In Dave Hand, Blanche-Neige et les Sept Nains, Walt Disney Studio Home Entertainement, 2009 (bonus de l’édition blu-ray).
3. Andy Grove, Seuls les paranoïaques survivent, Village Mondial, 2004.
4. Umberto Eco, Le Cimetière de Prague, Grasset, 2011.

Secret n° 4 – La crise

« Les familles heureuses se ressemblent toutes. Les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon1 ». C’est sur ces mots que s’ouvre Anna Karénine.

Pour intéresser le narrataire, le narrateur doit placer des obstacles sur la route du protagoniste, indépendamment de la présence éventuelle d’un antagoniste. « Le roi mourut et la reine mourut » n’est pas une histoire. « Le roi mourut et ensuite, la reine mourut de chagrin2 », oui.

Ce qui se conçoit aisément dans la narratologie traditionnelle peut néanmoins sembler paradoxal pour le storytelling d’entreprise. Passe encore pour la communication interne : invoquer l’élément « crise » permet de mobiliser (comme de lutter contre l’antagoniste). « Le Capitole n’est jamais loin de la roche tarpéienne » affirmaient les Romains pour rappeler que le succès est une chose fragile et qu’il ne faut pas se reposer ses lauriers. Mais les actionnaires, eux, n’apprécient-ils pas plutôt une « success story » sans aspérité, garante de bons dividendes ? En fait, inclure une crise parmi les éléments narratifs, c’est montrer l’anticipation de l’entreprise, c’est indiquer qu’elle saura y faire face. Par ailleurs, ce chemin pavé de pierres qui pourraient faire trébucher, c’est aussi la promesse d’intéresser les journalistes et les clients. Comme Umberto Eco le rappelle dans une série de « lois dramaturgiques » : « Tendez au maximum l’arc narratif afin que lecteurs et spectateurs éprouvent pitié et terreur à la fois3. »

Dans la quête que vous entreprendrez, quels obstacles jalonneront votre route ? Qui les y placera (l’antagoniste ?) ? Contre lesquels pouvez-vous vous mobiliser ? Y en a-t-il qui vous semblent insurmontables ?

Secret n° 5 – La résolution de la crise

« Quand la tension aura atteint son maximum, faites entrer en action un élément qui vienne démêler le noeud inextricable des faits et des passions en résultant. Que ce soit un prodige, une intervention divine, une révélation ou un châtiment inopiné, il faudra que cela donne lieu à une catharsis. »

Dans les histoires traditionnelles, s’il y a crise, il doit y avoir résolution de ladite crise. Elle termine la quête du héros qui retrouve son paradis perdu dans le meilleur des cas ou connaît une fin dramatique dans le pire.

En matière de storytelling d’entreprise, la résolution de la crise ne saurait être que positive : on ne peut pas théoriser l’échec du storytelling ! Cette résolution marque donc l’accomplissement de la quête. Autrement dit, elle se présente sous une forme mesurable : le héros est-il devenu le numéro 1 ou la marque préférée de ses clients comme il l’ambitionnait ?

Qu’est-ce qui marquerait la fi n de votre quête ? Pensez-vous être capables d’y parvenir (antagoniste/crise) plus ou moins facilement ? Si oui, n’avezvous pas manqué d’ambition au début de votre storytelling ? Si non, ne risquez-vous pas le découragement avec une quête qui serait véritablement « l’inaccessible étoile » ?

1. Tolstoï, Anna Karénine, La Pléiade, 1955.
2. Nassim Nicholas Taleb, op.cit.
3. Cette citation et la suivante : Umberto Eco, De Superman au surhomme, op.cit.

Deux secrets narratifs supplémentaires spécifiques au storytelling d’entreprise

De la même façon qu’il n’existe pas beaucoup de typologies narratives, il existe un nombre limité d’éléments dans le schéma actanciel. Mais la combinaison des typologies et du schéma produit un nombre quasi infini d’histoires !

Dans le cas du storytelling d’entreprise, on ne peut pourtant pas s’en satisfaire. Une fois parvenu à la résolution de la crise, il reste deux questions qui ne se posent pas habituellement dans la narration classique. Comment réintroduire la raison et comment écrire une nouvelle histoire ? Pour connaître le succès, le storytelling doit impérativement y répondre.

Secret n° 6 – Le retour à la raison

À ce stade de l’ouvrage, ce secret n’en est plus tout à fait un… Contrairement à une idée reçue, le storytelling n’est pas l’ennemi de la raison. Son succès ne peut se mesurer seulement à la façon dont l’histoire se propage mais aussi à celle dont elle fait vendre.

Tout storytelling doit donc pouvoir passer de l’anecdote qui capte l’attention au renvoi vers l’information, les éléments raisonnés « pour en savoir plus ». Cela peut être aussi simple que la présence d’un numéro de téléphone ou une adresse Internet sur une publicité. Cela peut aussi prendre la forme d’informations « objectives » faisant suite aux éléments « subjectifs », plus proches du conte (l’aspect « il était une fois »). Une histoire qui ne débouche pas sur cela manque les objectifs légitimes de l’entreprise.

Qu’avez-vous prévu dans votre storytelling comme retour à la raison ?

Secret n° 7 – La continuation de l’histoire

Enfin, bien entendu, un storytelling ne peut se terminer comme une histoire classique, même avec une happy end. Par définition, l’entreprise ne s’arrête pas demain ou dans un an. Elle doit se fixer sans cesse de nouveaux objectifs financiers. Pourquoi en irait-il autrement de ses objectifs narratifs ? Comment rester mobilisé quand il n’y a plus d’enjeu, que la quête est remplie ?

C’est le cas des entreprises de type mardi : quand le numéro 2 rattrape le numéro 1, il lui faut soit passer à une typologie de type jeudi, celle des leaders, soit à une de type samedi, pour garder d’une manière différente le dynamisme un peu agressif qui lui a permis de se hisser au sommet. Si une entreprise de type mercredi a besoin d’élargir sa clientèle après avoir obtenu la confiance maximale de ses cibles traditionnelles, elle évoluera vers une typologie de type vendredi en passant à une séduction plus affirmée.

C’est pourquoi il faut envisager assez tôt – en fait très en amont de la réalisation de la quête ! – la suite de l’histoire : soit un nouveau chapitre, soit un nouveau storytelling. Attendre trop longtemps, c’est risquer « l’acédie », cette maladie de l’âme qui est un dégoût de la vie, un ennui qui pour le coup devient littéralement mortel.

Reprenez la quête que vous avez choisie au début de ce chapitre et imaginez qu’elle soit achevée. Comment la relanceriez-vous ? Quelle pourrait en être la suite ? Ou passeriez-vous alors à une autre quête, très différente ? Qui pourrait prendre quelle forme ?

Récapitulatif des 7 secrets narratifs

Secret narratif                          Actions et conséquences sur le storytelling
La quête                                       Choisir une typologie narrative
Le protagoniste                        Choisir comme héros la marque, le produit, le fondateur ou le client et                                                                en tirer les conséquences
L’antagoniste                             Y a-t-il un méchant ? État des lieux de la concurrence au sens large
La crise                                        Lister les obstacles sur le chemin (la quête)
La résolution de la crise      Comment mesurer que les objectifs sont atteints, la quête accomplie ?
Le retour à la raison              Reprendre le contrôle, renvoyer sur les supports appropriés
L’histoire sans fin                  Ouvrir un nouveau chapitre, une nouvelle historiette ou un nouveau                                                                     storytelling

À RETENIR

  • Au sein des typologies vues au chapitre précédent,
  • on utilise un certain nombre d’éléments narratifs qui vont donner corps et linéarité au storytelling.
    Parmi ces éléments, certains sont communs aux histoires traditionnelles : une quête, un protagoniste et un antagoniste, une crise et sa résolution. Le storytelling d’entreprise a besoin en plus d’un retour à la raison et d’un moyen de continuer l’histoire.
  • Ramené à se plus simple expression, le storytelling mis au point peut ressembler à ceci :
    « Il était une fois (typologie narrative) une marque (protagoniste) qui voulait obtenir un grand succès (quête). Malgré les pièges (crise) de ses concurrents (antagonistes), elle est parvenue à atteindre ses objectifs (résolution de la crise) grâce à la qualité de ses produits (retour à la raison) et de ses équipes et va pouvoir se développer sur de nouveaux marchés (continuation). »

À VOUS DE JOUER

À partir d’une typologie narrative et en vous servant du schéma actanciel, écrivez à votre tour une ou plusieurs histoires : celle de votre entreprise, celle d’une autre que vous trouvez intéressante, la vôtre, personnelle, également.

 

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