Les 3 pièges de la décision et comment les éviter

pièges de la décision

Dans leur Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (PUG 2004), R.V. Joule et J.-L. Beauvois, chercheurs en psychologie sociale, identifient les pièges de la décision dans lesquels chacun de nous tombe quotidiennement.

Avec L. Falque nous avons retenu les trois principaux qui se rencontrent souvent dans la vie des organisations.

Piège #1. L’effet de gel

Face à de nouveau choix, il nous arrive de « coller » à des décisions passées, sans remettre en question ce qui les a guidées. Dès lors, plutôt qu’une vraie décision, c’est un principe de conduite qui s’applique.
L’identification et le fonctionnement de ces pièges reposent sur deux principes de base, mis en lumière aux États-Unis par Kurt Lewin, le père de la Dynamique de groupe :

  • La tendance de tout individu à adhérer à ses décisions ou à ce qu’il croit être ses décisions ;
  • Le renforcement de cette tendance lorsque ces décisions sont prises devant un groupe de témoins.

Tout se passe comme si notre système de choix était gelé. Et les conséquences peuvent être catastrophiques comme dans le cas du 1er lancement d’Ariane V :
Selon le rapport d’enquête sur l’échec du premier lancement d’Ariane V, de petits logiciels servant au contrôle des gyroscopes d’Ariane IV, le modèle précédent, avaient été introduits tels quels sur la nouvelle fusée, en raison du principe non écrit selon lequel : on ne touche pas à un logiciel qui marche.

Peu après le décollage d’Ariane V ces logiciels ont été débordés par le flux d’informations à traiter, indiquant ainsi, mais faussement, une panne de ces appareils de guidage. Ce qui a entraîné la décision de détruire en vol la fusée.
Exemple rapporté par G. Berry, membre de l’Académie des Sciences, lors d’une conférence l’École de Paris.

Pour éviter l’effet de gel, exercez un pouvoir critique sur vos décisions passées. Demandez-vous quels sont les éléments nouveaux dans le contexte du nouveau choix à faire ? Comment les prendre en compte dans la décision ?

Piège #2. Le piège abscons

Il se présente comme un prolongement de l’effet de gel. Trois conditions de base sont nécessaires pour qu’il s’ouvre :

  • La décision est prise de s’engager dans une dépense d’énergie, de temps ou d’argent ;
  • Aucune limite a priori n’a été fixée à cette dépense ;
  • L’atteinte du but n’est pas certaine.

Cette troisième condition est, en elle-même, une forme de piège. Bien souvent, les décideurs sont convaincus de l’atteinte du but. Mais c’est une croyance que les faits ne vérifient pas toujours. Ce piège abscons (nom que lui donne la psychologie sociale) est alors grand ouvert.

Ces trois conditions étant posées et aucune limite n’ayant été mise à l’investissement de départ, les décideurs estiment que toute dépense supplémentaire permettra de se rapprocher du but. Ce but échappant toujours, le processus se poursuit de lui-même tant que personne n’y mettra un stop. Mais comment arrêter un projet pour lequel on a tant investi ? Des accidents mortels, des pertes abyssales, des faillites d’entreprises ont comme motif l’entrée dans ce piège de la décision.

Pour éviter le piège abscons, prévoyez des limites en termes d’investissement en ressources, en temps/homme, en budget, à votre engagement. Fixez également un délai de réalisation et des étapes permettant d’évaluer l’atteinte ou non du but poursuivi, avec éventuellement des clauses suspensives pour pouvoir vous désengager.

Piège #3. Le sentiment de liberté

Ce piège s’instaure selon un schéma en trois étapes :

  • Après réflexion, j’ai accepté de répondre « oui » à une demande d’un client d’un partenaire ou d’un membre de mon réseau. Je sais que ce « oui » se soldera par un surcroît de travail.
  • Au dernier moment, une ou plusieurs des conditions annoncées par mon interlocuteur comme devant me faciliter la réalisation de cette action sont revues à la baisse.
  • Avec ces faits nouveaux, la possibilité m’est apparemment laissée de renoncer à « oui ».

Tout en percevant confusément que le prix à payer est devenu déraisonnable, entraîné par le poids du « oui » que je me suis préparé à donner, je confirme à mes interlocuteurs mon engagement dans cette action, en le croyant un effet de ma liberté !

En fait, je me suis engagé sans l’avoir vraiment voulu. Certains « burn-out » n’ont probablement pas d’autres cause.

Ce piège du sentiment de liberté peut ressembler à une manipulation. Il s’en distingue cependant si, comme cela arrive souvent, les acteurs en présence sont de bonne foi.

Pour éviter le sentiment de liberté, demandez à réfléchir de nouveau, renégociez avec votre interlocuteur les délais, les horaires, les aides ou certaines exigences. Vous serez alors dans la juste dynamique de votre liberté.

Eviter ces pièges ou en sortir

Reconnaître comment nous sommes déjà tombés dans tel ou tel de ces pièges ou comment nous en avons été témoins dans nos organisations nous aidera à les éviter. Cela ne suffira pas toujours. Il faudra aller plus avant dans la mise en pratique du discernement en apprenant à distinguer dans les choix à faire ce qui relève des objectifs, des buts et de la finalité. Cela renvoie aux apports de nos deux livres sur le discernement comme processus de décision.

Par Bernard Bougon, jésuite, philosophe et psychosociologue de formation, co-auteur avec Laurent Falque de Discerner pour décider – Comment faire les bons choix en situation professionnelle, publié en 2014 aux Editions Dunod.

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